Au début de l’année 1880, tout Paris fut occupé du vol étrange commis au Palais-Royal, au préjudice du bijoutier Fontana
Il avait été perpétré par un audacieux filou qui, en plein jour, s’était emparé d’une rivière de diamants en cassant la vitre derrière laquelle elle était exposée.
Le journal le Sport profita de l’occasion pour rappeler que dans ce même Palais-Royal, Balzac en fit autant un jour, non pour s’approprier le bien d’autrui, mais pour saisir une contrefaçon d’un de ses ouvrages qu’il venait d’apercevoir à la vitrine d’un libraire. Naturellement une discussion s’ensuivit, à la suite de laquelle on alla chercher le commissaire de police.
Devant lui, Balzac, sans se nommer d’abord, expliqua que ce n’était pas par maladresse, mais avec intention qu’il avait cassé la vitre, dont il remit immédiatement le prix au libraire ; puis il compléta ainsi ses explications :
« Voici un livre, c’est un roman de Balzac que M. Werdet seul a le droit d’imprimer. Lisez sur la couverture, et, au lieu de son nom, vous trouverez Méline, éditeur. Ce M. Méline est un libraire de Bruxelles qui ne contribue pas peu à ruiner le commerce français, un des gros bonnets de la contrefaçon. Monsieur, auquel j’ai cassé un carreau, en vendant des contrefaçons belges, est donc en contravention, et c’est une affaire dont les tribunaux auront à décider. Seulement, il était indispensable d’avoir les pièces du procès, et c’est pour cela que j’ai pris la liberté de vous envoyer chercher. Je suis M. de Balzac. »
Sur ce, il se retira tranquillement, laissant le libraire ébahi aux mains du commissaire de police, qui n’avait plus qu’à pratiquer sa saisie.